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Mœurs des maliettes

Cette année, Zazie Mode d’Emploi honore un para-oulipien. En effet, Boris Vian n’a jamais appartenu à l’Oulipo, s’étant définitivement occulté un an avant la création du groupe. Nous avons choisi ce beau texte dans l’Arrache-cœur : à vous de le réécrire, détourner, parodier, transformer, translater, etc.


Mœurs des maliettes, pensa Jacquemort. Qui les étudiera ? Qui saura les décrire ? Il faudrait un gros livre, sur papier couché illustré d’eaux-fortes en couleurs, dues au burin fertile de nos meilleurs animaliers. Maliettes, maliettes, que n’approfondit-on pas vos mœurs ! Mais las, qui jamais en prit une, maliettes couleur de suie, au poitrail rouge, à l’œil de lune, aux cris légers de petite souris. Maliettes qui mourez dès qu’on pose sur vos plumes impalpables le doigt le plus léger, qui mourez pour la moindre cause, lorsqu’on vous regarde trop longtemps, lorsqu’on rit en vous regardant, lorsqu’on vous tourne le dos, lorsqu’on enlève son chapeau, lorsque la nuit se fait entendre, lorsque le soir tombe trop tôt. Maliettes subtiles et tendres dont le cœur occupe, à l’intérieur, toute la place où les autres bêtes logent des organes banals.

Boris VIAN, L’Arrache-cœur, 1953
Chapitre XXI, 28 octembre

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