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Un fondu au noir à votre façon

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Un fondu au noir à votre façon —


1. Vous finissez de traverser la rue et vous respirez, soulagé. Vos derniers pas ont été les plus angoissants. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. Et pourtant vous vous étiez lancé d’un pas décidé, en pensant aux mots du poète : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible aux yeux ». Maintenant vous vous réjouissez d’avoir jeté votre canne avant de traverser. Comme ça, personne ne pourra dire que si les voitures vous ont évité, c’était pour ne pas écraser un aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous retraversez en sens inverse pour aller chercher votre canne. -> 2

B. Vous poursuivez votre chemin sans canne. -> 3

C. Vous attendez que quelqu’un vous rapporte votre canne. -> 4


2. Vous finissez de traverser la rue et vous respirez, soulagé. Vos derniers pas ont été les plus angoissants. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. D’ailleurs vous vous étiez lancé d’un pas hésitant, ayant déjà éprouvé l’absurdité des mots du poète : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible aux yeux ». Maintenant vous vous jurez de ne plus jamais jeter votre canne avant de traverser. Pour cette fois, vous pouvez dire que vous avez eu de la chance que les voitures vous aient évité, sans savoir que c’était pour ne pas écraser un aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous poursuivez votre chemin avec votre canne. -> 5

B. Vous rentrez chez vous, vous avez eu assez d’émotions pour aujourd’hui. -> 6

C. Vous appelez votre ami Eduardo pour lui raconter votre aventure. -> 7


3. Vous finissez de parcourir le trottoir et vous respirez, soulagé. Vos derniers pas ont été les plus angoissants. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. Et pourtant vous aviez poursuivi votre route d’un pas décidé, en vous répétant en boucle les mots du poète : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible aux yeux ». Maintenant vous vous réjouissez d’avoir jeté votre canne tout à l’heure. Comme ça, personne ne pourra dire que si les piétons vous ont évité, c’était pour ne pas bousculer un aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous traversez la nouvelle rue où vous venez d’arriver. -> 1

B. Vous faites demi-tour pour aller chercher votre canne. -> 8

C. Vous appelez un taxi pour rentrer chez vous. -> 9


4. Vous entendez quelqu’un traverser la rue et vous respirez, soulagé. Vos dernières minutes d’attente ont été les plus angoissantes. Un moment, après une demi-heure, vous avez cru que cela n’arriverait pas. Et pourtant vous vous étiez planté au bord du trottoir, en pensant aux mots du poète : « On ne voit rien avec le cœur, l’essentiel est d’être visible aux yeux ». Maintenant vous vous réjouissez d’avoir patienté tout ce temps. Comme ça, personne ne pourra dire que tous les passants vous ont évité sans prendre le temps d’aider un aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous poursuivez votre chemin avec votre canne. -> 5

B. Vous rentrez chez vous, vous avez eu assez d’émotions pour aujourd’hui. -> 6

C. Vous invitez la personne qui vous a rapporté votre canne à prendre un verre au café. -> 10


5. Vous finissez de traverser la rue en respirant tranquillement. Vos derniers pas ont été aussi détendus que les premiers. Un moment, à mi-chemin, vous avez trouvé le temps long. Et pourtant vous vous étiez lancé d’un pas décidé, en pensant aux mots du poète : « On ne voit bien que le blanc, le reste est invisible aux yeux ». Maintenant vous vous réjouissez d’avoir retrouvé votre canne avant de traverser. Comme ça, personne ne pourra dire que les voitures ne vous ont pas évité, au risque d’écraser un aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous poursuivez votre chemin. -> 5

B. Vous entrez dans un café en espérant une rencontre. -> 10

C. Vous rentrez chez vous, votre promenade est terminée. -> 6


6. Vous finissez de monter l’escalier et vous respirez, soulagé. Vos derniers pas ont été les plus pénibles. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. Et pourtant vous vous étiez lancé d’un pas décidé, en pensant aux mots du poète : « l’exercice est bon pour le cœur, l’essentiel est de ne pas avoir froid aux yeux ». Maintenant vous vous réjouissez de ne pas avoir appelé l’ascenseur avant de monter. Comme ça, personne ne pourra dire que si vous avez pris l’escalier, c’est parce que l’ascenseur était en panne.


7. « L’anecdote est banale, reconnais-le », déclare Eduardo, « mais on pourrait la raconter à l’envers, en commençant par la fin, comme un film projeté à rebours. Cela contredirait cette banalité. » Vous n’osez pas le démentir : « Pourquoi pas ? Cela nous montrerait à contre-jour, d’un point de vue nouveau, quelque chose qui avait perdu tout effet de surprise à nos yeux. »

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous l’invitez à poursuivre cette conversation au café. -> 10

B. Vous tentez de mettre son idée à exécution. -> 11

C. Vous le laissez explorer cette piste avec son confrère Pablo et vous rentrez chez vous. -> 6


8. Vous parvenez à votre point de départ et vous vous arrêtez, épuisé. Vos derniers pas ont été les plus éprouvants. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. À force de vous lancer d’un pas décidé dans les poteaux, les poubelles, les voitures mal garées et les tables en terrasses, vous trainez vos jambes meurtries en pensant aux mots du poète : « Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. » Maintenant vous vous réjouissez de retrouver bientôt votre canne. Comme ça, personne ne pourra plus dire que s’il vous a marché sur les pieds, c’est parce qu’il n’avait pas remarqué que vous étiez aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous traversez la rue qui vous sépare encore de votre canne. -> 2

B. Vous vous effondrez au bord du trottoir. -> 12

C. Vous appelez un taxi pour rentrer chez vous. -> 9


9. Vous réglez la course et vous remerciez le chauffeur, soulagé. Les derniers mètres ont été les plus onéreux. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’auriez pas assez d’argent. Et pourtant vous aviez appelé d’un ton décidé, en pensant aux mots du poète : « La peste soit de l’avarice et des avaricieux ! » Maintenant vous vous réjouissez d’avoir pris suffisamment en partant de chez vous. Comme ça, personne ne pourra dire que si le taxi vous a fait une réduction, c’était par charité pour un pauvre aveugle.

Que faites-vous maintenant ?

A. Vous regagnez votre appartement. -> 6

B. Vous invitez le chauffeur à prendre un verre au café du coin. -> 10

C. En sortant du taxi, vous trébuchez et vous affalez au milieu du trottoir. -> 12


10. Vous imaginez le bistrot il vous semble lumineux clair comme un smog londonien et sa glauque clarté vous crève les yeux vous fissure l’esprit et vous rampez là l’un vers l’autre dans vos yeux et vos esprits pendant que le jour se casse vos lèvres sèches lampent la musique de vos boissons de ses yeux jolis comme mer de possibilités là devant vous l’autre est parti sans laisser de pourboire et le barman vous fixe vous dit alors vous ce sera quoi ? Ce sera pour l’instant juste boire le bleu de ses yeux son regard son visage dans la mer de choses possibles là où vous nagez


11. Vous finissez de composer la micronouvelle et vous respirez, soulagé. Vos dernières phrases ont été les plus difficiles. Un moment, à mi-chemin, vous avez cru que vous n’y arriveriez pas. Et pourtant vous vous étiez lancé d’une plume décidée, en pensant aux mots du poète : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Maintenant vous vous réjouissez d’avoir projeté une trentaine de récits avant de commencer. Comme ça, personne ne pourra dire que si la banalité a été évitée, c’était parce que vous mettiez en scène un aveugle.


12. Vous reprenez pleinement connaissance et vous respirez, soulagé. Vos premières sensations ont été particulièrement angoissantes. Un moment, mi-conscient, vous avez cru que vous n’émergeriez pas. Et pourtant des bribes de pensées vous traversaient, comme les mots du poète : « Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as conservé... ». Maintenant vous vous réjouissez d’avoir jeté votre canne avant de vous évanouir. Comme ça, personne ne pourra dire que si les pompiers vous ont secouru, c’était pour ne pas laisser crever un aveugle.