Accueil L’oulipien de l’année Oublier Clémence
Traiter Clémence par le mépris

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– Tu vois les cocons à transformer en fils de soie ?

– Oui.

– Tu les trouves jolis ?

– Oui, très.

– Et les asphyxier, tu aimes ça ?

– Oui.

– Tu aimes les retirer du four aussi ?

– Oui, et j’aime beaucoup les poser sur des plateaux.

– Et les retourner régulièrement ?

– Aussi.

– Tu vois les bassines d’eau très chaude ?

– Oui.

– Tu trouves agréable d’y plonger tes mains ?

– Oui, très.

– Je te la chauffe davantage ?

– Non, ça va.

– Et presser plusieurs filaments ensemble, tu aimes ça ?

– Oui, énormément.

– Doucement Clémence, pas si fort.

– Pardon, Michèle.

– Qu’est-ce que tu préfères, bobiner les fils ou les préparer pour les
métiers à tisser ?

– Je sais pas, c’est pareil.

– Et le travail à la campagne, tu l’aimes ?

– Oui.

– Moi je trouve qu’il est extrêmement pénible. Et les usines lyonnaises ?

– Oui.

– Et les ateliers ?

– Aussi.

– Tout ? La puanteur, l’eau brûlante, la bourre de soie dans l’air, les
fenêtres fermées ?

– Oui, tout.

– Donc tu aimes la soie totalement.

– Oui, je l’aime totalement, tendrement, tragiquement.

– Moi aussi, Clémence.


À la manière du dialogue de Brigitte Bardot et Michel Piccoli dans Le Mépris de Jean-Luc Godard.