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Personne ne m’a jamais demandé...

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Personne ne m’a jamais demandé pourquoi j’écris de si bons livres. Je suis une chose, ce que j’écris en est une autre. Et de véritables lecteurs de mes livres sont pour moi pur néant. Je serais totalement en contradiction avec moi-même si j’espérais trouver dès aujourd’hui des yeux pour me lire. Mes lecteurs sont comme en suspension entre l’être et le devenir. Il me semble que si quelqu’un prenait en main un livre de moi - c’est l’un des plus rares honneurs qu’il pourrait s’accorder -, même en admettant qu’il en retirât ses chaussures, le seul fait qu’il en comprenne alors six phrases l’élèverait bien au-dessus des mortels. En général, les lecteurs vont dans les bibliothèques, en solitaire, en groupe, en bande organisée dans certains cas, et il y a autour d’eux tant de vain remplissage, ils sont pris dans une telle surabondance de matière imprimée que mes livres, à vrai dire, bien qu’ils soient de purs chefs-d’œuvre, n’ont pas encore réussi à focaliser leur attention. Le monde en fait me paraît rempli d’adversaires, et malgré tout je devrais peut-être effectuer de longues traques, la recherche têtue de quelques bibliophages qui ne se dérobassent pas à la lecture de mes livres.

Ecce Marcello