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Oscar lettre officielle

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Monsieur

J’ai l’honneur de vous informer des faits suivants dont j’ai été le témoin impartial et scandalisé.

Aux environs de quatorze heures ce jour-même je me trouvais avec mille camarades aux abords d’un château que nous nous apprêtions à assiéger.

Nous attendions calmement, mes chers amis et moi, le signal de l’attaque, motivés par un enthousiasme communicatif mais discret, très impatients d’en découdre et, vous l’aurez compris, liés indéfectiblement par un dévouement sans faille, dépassant l’idée simpliste que le règlement c’est le règlement.

Soudain, une pluie de projectiles s’abattit sur nous, avec une agressivité rare et, d’expérience, pour les plus valides d’entre nous (en réalité les rescapés) nous fûmes certains que des catapultes vraisemblablement introduites clandestinement étaient utilisées. Je peux donc affirmer que le fair-play n’était pas au rendez-vous.

J’ai le devoir d’ajouter qu’après notre première salve plus bienveillante que dissuasive, un sauvage, que dis-je un irascible illuminé, tenta une sortie de la forteresse et se mit à achever nos blessés à coups d’épée, agissements d’une cruauté insoutenable qui provoqua notre fuite, le seul refuge à proximité étant l’épaisse forêt près du château.

Une conversation avec un de nos éclaireurs resté aux avant-postes me permet d’affirmer qu’il y a sans doute de la sorcellerie dans la manière dont nos adversaires se sont ensuite défaits d’un dragon qui ne faisait que son devoir. Ces faits sont gravissimes.

Je ne commenterai même pas l’indécence de la célébration qui s’ensuivit, une foule sortie on ne sait d’où se répandit en acclamations d’une scandaleuse incorrection, de même qu’un banquet semble avoir eu lieu et nous incommoda pendant notre repli stratégique avec une odeur épouvantable de vanille et de fraise.

Dans ces conditions, je vous prie, monsieur, de bien vouloir m’indiquer quelles mesures vous envisagez suite à ces atteintes intolérables à la règle et à la bienséance. Il est grand temps de rétablir l’ordre public.

Sachez que je reste, cher monsieur, à votre disposition,

Votre dévoué …