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Les Vers de Soye

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Les vers de Soye naissent et esclosent des fleurs qui tombent des Cyprès, Terbentins, Fresnes… Ce sont de petits papillonneaux tout fins nuds, puis se font velus, et s’arment apres contre le froid d’un bon cuir, et d’une robbe espesse. Ces bestioles ont les pieds aspres et rabboteux, car c’est avec eux qu’ils raclent tout le coton qu’ils peuvent agraffer et gripper sur les arbres pour enfiler la soye. Ils font un blot de tout et foulent la soye avec les pieds, la cardent avec les ongles... ils s’ensepvelissent richement dans ce peloton, s’entortillent dans ce duvet et se couchent comme dans un riche tombeau, ou nid pour se couver soy-mesme, et contraindre la mort d’enfanter la vie. Au resveil et à leur renouveau, ces precieux vermisseaux se r’habillent d’aisles, se rejettent au travail, liment fort gentiment les fueilles des Meuriers et les digerent en soye, ayant tout leur petit estomach comme un riche magazin d’Orient garny de soye vive, teinte en la teinture de nature.

Etienne Binet, " Essay sur les merveilles de la nature " (Rouen, 1632), au chap. " Vers de soye "