Accueil L’oulipien de l’année Cité récitée
Une missive qui surprit les directeurs de Voies et Ponts Construction

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L’espoir de pouvoir un jour en ces lieux créer quelque oued postiche dont nous contrôlerions le flux est si mince que celui de pouvoir justifier ensuite l’érection de ponts pour surmonter ce Rubicon relève du même rêve futile. Inutile : qu’on meurt de soif(s) ici n’est un problème pour personne, ces gens le vivent bien.
Oui, il est évident, comme l’ont conclu nos experts-en-ne-rien-dire que "sous le vent, ces questions ne se posent nullement" !
"Désertons", disent tous mes collègues, "stupéfiés" selon leurs propres termes d’une "stupidité" de l’indigène qui les "mine". Ils le voient "résigné", "indolent" (il est curieux qu’ils n’osent dire "soumis")... Ils ne voient rien, et ils voient bien. "Quittons, disent-ils donc, nous et nos sociétés d’investissement-développement, cet enfer venteux peuplé de fervents désespérés, ce trou perdu, ce bled infect !"
Eh bien, désertez, donc, désertez tous ! Et retrouvez en Occident votre profond ronron, cet immense destin que vous choisîtes si consciemment, votre sort prodigieux, vos mornes gros lots, primes et dépressions ! Personnellement, j’y suis, j’y reste, même si je dois mourir entièrement dépourvu sous ces vents qui vous font peur.
Oui, c’est une démission. Stricto sensu.

Lipogramme en a.