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Souvenons-nous de Clémence

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Souvenons-nous de Clémence —

Clémence n’est pas une femme fictive.

Imagine ici son boulot, liste les actions menant des cocons de bombyx au fil de soie puis au tissu. Que ton imagination asphyxie les chenilles dans une étuve, les dégage de là, les étale à plat, qu’ils sèchent quinze semaines pendant lesquelles tu les déplaces - sens dessus dessous - pas une fois, deux fois, souvent, afin que l’eau s’épuise au plus vite, saisis ensuite les fils de soie des cocons en les jetant dans ces bassines d’eau diablement chaude dans lesquelles on plonge les mains afin que soient dévidés les filaments de soie d’excellente qualité, tasse ensemble ces filaments en double ou plus, tu obtiens enfin un fil, love ces fils en écheveaux, bobine les écheveaux à disposition de la machine de tissage.

Un boulot excessivement pénible, qui s’était déplacé des campagnes aux usines lyonnaises. Avec la pestilence des bombyx en décomposition, l’eau bouillante, le duvet de soie qu’induisent les manipulations volant dans les espaces aux vasistas soigneusement clos, toute l’attention s’appliquant la coûteuse soie. Un boulot de femme.


"Asphyxie des bestioles" : ici Annie Hupé a évité l’emploi du son et du signe alphabétique suivant le Q et venant avant le S.