Accueil Z’écritoires En sortant des ateliers
Plein de villes à domicile

Page précédente Page suivante

Levator, ou la ville des hauts et des bas
Cités flamandes, métropoles du Texas et de l’Oklahoma, villages des Seychelles, villes de plaines que vous êtes ennuyeuses ! Par bonheur, notre guide nous conduisit aux abords d’une cité sujette à de surprenants et incessants mouvements telluriques. Un matin, vous vous réveilliez au niveau de la mer ; le soir, vous vous retrouviez dans des profondeurs rien moins que souterraines et le lendemain vous étiez près des étoiles.
L’ingéniosité des Levatori a imaginé des maisons qui suivent ces caprices sismologiques pour mieux les contrôler et s’en amuser. En guise de logement, sont mises à disposition des autochtones et voyageurs de passage des demeures fonctionnelles des plus pratiques. High-tech en un mot. Pas besoin de clef : vous vous présentez devant le logement qui vous agrée, la porte s’ouvre d’elle-même et vous entrez. Là, vous vous mettez à votre aise. Certes on peut regretter l’exiguïté des lieux mais, par bonheur, une musique d’ambiance vous enveloppe et vous distrait. Vous voudriez danser et – surprise – il vous semble alors que c’est votre maison qui danse.
Cependant il y a un inconvénient dont on ne vous avait pas prévenu : c’est qu’il vous faut parfois partager l’habitation que vous avez choisie. Le mouvement qui vous berçait s’est arrêté, la porte s’ouvre et un inconnu (ou une inconnue, souvent liftée) vient partager votre domicile. Votre intimité en prend un coup – d’autant plus que de grands miroirs tapissant les murs font que rien n’échappe à la curiosité de l’intrus, à moins que vous ne sympathisiez avec lui – ou avec elle ! Et dans ce cas, de deux choses l’une, ou vous montez au septième ciel, ou c’est la chute assurée.

Panacée, ou les commodités de la conversation
C’est en chaise à porteurs que nous parvînmes à la belle ville de Panacée. Imaginez une cité dont la silhouette, au couchant, se découpe restangulairement sur l’horizon. Elle est en position surélevée, face au plancher des vaches où paissent des troupeaux. Ce qui frappe le voyageur, c’est une vaste terrasse surplombant la campagne et où chacun peut, à tout moment, venir s’installer : on y vient pour discuter, lire, prendre l’apéritif, voire dîner à l’aide de plateaux-repas qui sont mis à votre disposition, ce qui, après coup, amène souvent à une méridienne bien méritée. Le revêtement souple de cette terrasse encourage au sit-in bien qu’il semble qu’il soit souvent posé à l’économie (la mode du cheap !) en dalles synthétiques.
Cette terrasse est fermée à l’arrière et sur les côtés de trois hauteurs d’immeubles parallépipédiques. Au fond, sur toute la longueur, siègent diverses administrations dans une enfilade double ou triple de bâtiments trapus où les Panacéens laissent derrière eux les dossiers chauds de la cité que plaident une cohorte de juristes aux ordres d’Ivan le Paisible, le potentat local. Sur les côtés, deux barres plus modestes où l’on trouve gargottes et estaminets pour se replier en cas de pluie : c’est là que chacun s’accoude au bar et où les demoiselles esseulées font banquette.
Le soir, quand la nuit s’annonce douce, clic-clac ! une lumière tamisée d’un unique lampadaire s’allume au-dessus de vos têtes, on retourne sur la terrasse d’où l’on peut entendre, en contre-bas dans la vallée, les bergères gardant leurs vachettes qui pouffent (les bergères !) et les crapauds qui coassent.
Sans doute êtes-vous curieux de savoir où logent les panacéens ? Ils se reposent mollement dans des penthouses modulables et déplaçables puisque montés sur coussins d’air. Enfin, il est à noter que la cité de Panacée est jumelée avec les villes d’Assise, Fernet-Voltaire, Sofia et la Chaise-Dieu. A propos de Dieu, les prosélytes de toutes confessions accourent à Panacée depuis qu’il est connu que ses habitants sont convertibles.

Contrainte proposée lors de l’atelier à la médiathèque du Vieux-Lille dans le cadre de la Nuit des Bibliothèques (dont le thème était : Voyages et pays imaginaires) : sur le modèle d’une proposition d’Hervé Le Tellier (in Cités de mémoire, 2003), rédigez la relation de votre découverte d’une ville dont un élément d’équipement domestique serait la réduction, un réfrigérateur en l’occurrence dans le texte d’HLT.