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Place aux oignons

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Entendre au cœur d’un îlot de faux silence tapissé du roucoulement des pigeons les claquements ténus d’une feuille de plastique qui n’occulte plus sa fenêtre.
Goûter, si l’on est jeune encore la peinture qui s’écaille et fond sur la langue en laissant quelque chose de sucré et de saturnien.
Sentir le plastique brûlé, les poubelles fermentées, la merde non-identifiée, et au milieu de tout cela le repas en train de se faire.
Toucher le fibrociment qui s’effrite en neige légère sous les doigts les briques qui grattent le carton mouillé les emballages plastiques ayant contenu de l’eau du détergent les bassines métalliques et froides la planche – attention aux clous.
Voir le potentiel dans ce champ de ruines au cœur de la ville historique, maison sur trois niveaux grande luminosité façade restaurée secteur convoité commerce à proximité opportunité exceptionnelle idéal jeune couple avec enfants, juste un léger détail, on a purgé les habitants la crasse la misère les enfants le plomb l’amiante les ordures les chats, tout est refait à neuf, ça reste authentique mais propre et tant mieux pour ceux qui ont racheté le quartier à bas prix avant que ça ne flambe.

Cadavre exquis collectif

Si c’était à refaire, pourtant, nous resterions au milieu de cette ville en ruines pour en interdire le repeuplement.

Haïkus

Les pigeons roucoulent
Au rythme du clac-clac-clac
D’un bout de plastique

Dans les maisons mortes
Hors les pigeons pas un bruit
Hiver de la ville

La maison bourgeoise
Qui s’est vendue un million
Fut un champ de ruines

Souvenir ténu
Associant bruit des pigeons
Et saveur du plomb