Accueil L’oulipienne de l’année La Peinture à Dora
Duras à Dora

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À ces exercices là, il s’y adonnait, surtout le soir, oui, le soir.
Ses tableaux. Qui duraient en général, malheureusement, pas plus de quelques minutes, quelques secondes.
Il parlait de Thorium A. Il parlait de Radium C. Entre les deux, la fugacité de son œuvre, son effrayante fugacité.
Je crois ceci. J’invente ?
Il pensait, ce sont des dessins de la pluie sur une vitre. Il pensait, comme certains fromages, d’authentiques chefs-d’œuvre se mettent à couler, oui, couler.
Alors il disait je pars, il disait je m’évade, découragé il était, désintéressé, là, de ces créations trop liquides.
Et puis soudain, il y revenait, il s’accrochait, s’efforçait de les remanier, oui, les remanier ; les débuts d’un tableau en pleine déliquescence, il utilisait, là, pour hâtivement en fabriquer un autre, mais lui, de même, il va se détruire, se détruire, disait-il.
 
Marguerite Du Lionnais, La peinture à Dora. L’échoppe Ditelle, 1992