Accueil L’oulipien de l’année La nuit
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1)
Naviguer pendant la nuit est une aventure singulière qui vous pousse à l’introspection. Il vous revient en mémoire que les naufrageurs d’antan attiraient les bateaux par le feu allumé sur les récifs. Dans le silence brisé par de rares clapotis contre la coque, vous ne pouvez vous empêcher de penser à ce qui est important, à ce qui compte vraiment. L’océan est un hypnotiseur efficace et le regarder ralentit le rythme de vos pensées, cela vous calme, c’est bien connu. Dans l’eau sombre au large glissent des formes vagues et si l’océan était le ciel dans un monde inversé, ce serait ses nuages. Vous vous concentrez sur les punaises de mer en train de manger les insectes tombés sur la surface. Vous rejoignez le camp des méditatifs. L’image que vous avez du monde change. Cela dure aussi longtemps que le vent vous pousse sans varier et que vous n’avez pas à changer votre cap. Vous atteignez une inertie telle que vous êtes mou comme cette étoile de mer ramassée ce matin près de l’embarcadère.

2)
C’est lors d’une visite à Paris de la Faculté de Médecine ouverte tard dans la nuit aux visiteurs lors d’un week-end de septembre que j’ai découvert ce tableau. À la droite de la toile, une femme est peinte, pâmée, comme frappée par le feu de Dieu. Un homme en redingote lui fait face, un pendule à la main, et on devine qu’il compte. Le tableau est intitulé "Un hypnotiseur : le docteur Charcot soignant une malade à la Pitié-Salpêtrière". Charcot est, lui, observé par une petite foule d’hommes habillés de sombre tandis qu’il lutte contre la folie accumulant ses nuages sombres au-dessus de sa malade. L’hystérique (aimant trop l’amour, disaient peut-être les punaises de sacristie...) a donc devant elle le camp redoutable des hommes de science. L’image est celle d’un monde où le savoir et la faiblesse sont répartis sans recours possible. Je me dis que sa maladie durera aussi longtemps que cet ordre-là. Sauf si Freud, cette étoile montante dont on parle tant, voulait bien l’admettre en cure.

3)
Cet insecte-là ne se trouve pas dans votre literie, la nuit. Aucune crainte, il ne mettra donc pas le feu à votre épiderme en pompant votre sang et en provoquant d’irrésistibles démangeaisons. Néanmoins, il compte parmi les plus voraces et désagréables hôtes de votre jardin. Pas la peine de faire appel à un hypnotiseur qui serait bien inefficace car seul un traitement insecticide vigoureux pourra éradiquer Palomena prasina. Quand la fumigation aura été pratiquée sans état d’âme, mettez vous à l’abri de ses nuages toxiques. C’est le seul moyen pour vous débarrasser d’une invasion par les punaises des bois et de leur odeur pestilentielle. Cette odeur qui vous aura contraint à déserter vos plates-bandes et à ficher le camp le plus loin possible tant elle empuantit tout. À l’image des sauterelles, sans intervention l’insecte pourra tout dévaster. Aussi longtemps que l’été durera, fumigez ! À l’automne, il faudra traiter les trous des murs, même cette étoile toute petite fissurant le crêpi.

Il s’agit d’un logo-rallye pour générer des textes de 1000 caractères (espaces compris) avec un mot du texte de Jacques Jouet par phrase, précisément :
 la nuit
 le feu
 compte (verbe)
 un hypnotiseur
 ses nuages
 punaises
 le camp
 l’image
 aussi longtemps
 cette étoile