Accueil L’oulipien de l’année Crochet à goutte d’eau
L’invitation à l’accrochage

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Serait-ce un malheur
Si dans la douleur
Nous faisions une grimpette ?
Sur El capitan
Sur ce grand mur blanc
Dépourvu de toute arête.
Pas un trait saillant
Aucun trou perçant
Aucun signe de fissure
Cette paroi lisse
Que nul trait ne plisse
Ne montre aucune échancrure
 
Sur The Shield, le bouclier
Tu joues des mains et des pieds.
 
Ce torse luisant
Superbe, imposant
Ne permet nul pitonnage
Sans aspérité
On ne peut planter
Aucun moyen d’assurage.
Il reste un crochet
Qu’on ne va chercher
Qu’en situation très moche
Une goutte d’eau
Comme un grain de peau
Suffit pour qu’on l’y accroche
 
Le seul moyen pour parer
Aux grands cas désespérés
 
De cet hameçon
On fait un poinçon
Qu’on glisse sur une écaille
Les trois échelons
Formés de nylon
Serviront, vaille que vaille…
Un pied en avant
Délicatement
Tu glisses vers cette échelle
Transfère ton poids
À niveau moins trois.
Sur cette étroite margelle
 
Là, s’il te prend le hoquet…
Attention ! Ne rien brusquer !
 
Un faux mouvement
Un geste violent
Et le métal se décroche.
Progressivement
Ton déplacement
L’enfonce un peu dans la roche.
Puis, sans t’énerver
Tu peux t’élever
Sur ce fragile équipage.
Ne regarde pas
Au fond, tout en bas
Les gens qui crient sur la plage
 
Le nez sur le bouclier,
Alors, tu sens l’air vibrer.

D’après Baudelaire, L’invitation au voyage.