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Jardinoésie

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Dimanche 26 mai 2013 au Bizardin d’Hellemmes...

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PREMIÈRE PROPOSITION
BIZARRE + JARDIN = BIZARDIN

D’abord on a créé des mots valises en greffant quoi que ce soit aux végétaux du Bizardin ;
par exemple :
radis + dicton = radicton.
Une fois le mot inventé, on en a donné la définition :
RADICTON, n. m. – Sentence égratignant quelqu’un, aussi piquante qu’une racine crue.
Enfin une citation apocryphe :
« Sages poètes méditons / Indifférents aux radictons ! »
(Gilbert Farelly, Traité de Prosodie, Ichthusson 1960).

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Le CAROCHAUT est un légume obtenu par croisement entre une carotte et un artichaut. D’où son nom. La racine est verte, la fleur comestible d’un bel orangé.
« Le gratin de carochaut accompagne parfaitement le rôti de jeune dragon. »
(Extrait de « Physiologie du goût » de Anthelme Brillat-Savarin.)

Le SAULE RIEUR, n. m. d’origine basque.
Le saule rieur est un arbuste bien connu dans les campagnes françaises. Ses branches, au lieu de retomber platement comme celles de son cousin le saule pleureur, s’agitent dans tous les sens et chatouillent les passants et les oiseaux. Ces chatouillis irrésistibles déclenchent l’hilarité.
« Elle s’approcha d’un saule rieur pour apaiser le chagrin qui la tenaillait. »
(Extrait de « Madame Bovary » de Gustave Flaubert.)

Geneviève

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Potagéométrie dans le jardinomètre.

L’ÉGLANBANE est une structure épineuse dans laquelle on peut vivre à l’abri de tous les soucis et de toute injonction autoritaire.

L’ÉTANETH n’est pas un biocarburant ! bien que l’etyl-mologie puisse porter à confusion. Non c’est simplement le nom d’un apéritif entièrement bio et tiré du jardin (eau et aromatisation selon procédé de distillation de jardin).

Le PÂQUETAG : attirail que l’on emmène pour partir de la campagne en expédition culturelle dans les cités HLM.

Le ROSEILLEUL est une substance aromatique longtemps utilisée par les sorcières pour défaire les mariages forcés, protégeant ainsi tant les jeunes filles que les jeunes hommes des abus familiaux. Également utilisé en huile essentielle pour mettre sur les taies d’oreiller pour chasser les mauvais rêves.

Le RUCHESIL est le surplus des dividendes une fois que ceux-ci ont été décotés en pourcentage de l’ensemble de la production générale du jardin. Il n’est calculé qu’à la moitié de l’automne et ne peut être réservé qu’aux participants de la culture du jardin à l’occasion d’un pique-nique ou d’une veillée des châtaignes au feu de bois.

Le SCULPTUFLIER : objet de décoration qui sert également d’observatoire aux oiseaux ou aux Hommes pour surveiller le moment parfait où les fruits sont blets à point (ni trop ni pas assez).

Elsa

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ASPIRÉE n. f., du latin secretum aspiratum – Fleur carnivore qui capture les insectes en secrétant une odeur attirante ; une fois posée, la proie est aspirée.
« L’insecte s’approche de la fleur… aussitôt aspiré par l’aspirée ! »
(Traduit de « Species plantarum » de Carl von Linné, page 75.)

PISSEMBLE n. m., du latin pissemblum – Arbre ressemblant au tremble, mais disposant de différentes fleurs, dont la plupart ressemblent à des fleurs de pissenlit.
« Un jardinier coupant une fleur de pissemble la laisse tomber sur un parterre de pissenlits ? Il ne la retrouvera plus ! »
(Traduit de « Species plantarum » de Carl von Linné, page 795.)

Noé

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PISSENLIT n. m. – Fleur ainsi nommée car, au goûter, elle donne envie de faire pipi. Il ne faut jamais en manger avant d’aller au lit.

TREMBLE n. m. – Celui-ci fait peur : à l’automne, toutes ses feuilles menacent de vous ensevelir d’un seul coup ! BRRRR…

Titouan

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ESTRAGONDIN n.m., du latin extracunculus (petit dragon délicieux). – Animal furtif qu’on aperçoit parfois à la tombée de la nuit dans la grande mare du Bizardin, nommée pour cette raison « Mare aux dragons ». Sa viande très parfumée est réputée car excellente en grillade.

Christiane

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BOURDONJUAN n. m. – Insecte dont la piqûre anéantit tout mécanisme de défense contre la séduction, fût-elle sans scrupule.
« Piquée par un bourdonjuan, sa voisine de jardin tomba folle amoureuse de Landru ; elle finit femme au foyer. »
(Inspecteur Jules Belin, Archives 1915 de la Police nationale.)

PISSENLIBÉRET n. m. – Fleur du Pays basque qui ne pousse que hors les murs, surmontée d’une corolle sombre, ronde, souple et plate abritant la tige du soleil, de la pluie et des tuiles.
« Cette nuit que j’étais à la maison d’arrêt / Je rêvais pour abri d’un pissenlibéret. »
(Jean Valjean, 22 avril 1796 à Bicêtre.)

Robert

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SECONDE PROPOSITION
POÈMES PAYSAGERS

À la façon des peintres, et sur le gabarit des « poèmes portraits » de Jacques Jouet, on a décrit le jardin en une dizaine de vers libres commençant respectivement par Je vois, Je sais, Je remarque, Je souligne, J’ignore, Je pense, Je suis sûr(e), Je me demande, Je parie, Je refuse et à nouveau Je vois. On pouvait s’asseoir pour écrire ; on pouvait aussi se promener à sa guise.

* *

Je vois que le Bizardin est ouvert.
Je sais qu’aujourd’hui c’est la fête des jardins.
Je remarque la variété infinie des verts.
Je souligne la présence de touches blanches jaunes mauves et brunes.
J’ignore la cuve à récupération d’eau pour admirer la mare aux dragons.
Je pense que les dragons ont migré dans des pays plus chauds.
Je suis sûre qu’ils reviendront avec l’été.
Je me demande ce qu’il se passe la nuit dans ce jardin.
Je parie que les hiboux s’y reposent.
Je refuse qu’ils dévorent les grenouilles de la mare aux dragons.
Je vois que le Bizardin est ouvert.

Geneviève

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Je vois des dytiques.
Je sais qu’ils mangent de tout.
Je remarque qu’il y a aussi des larves.
Je souligne qu’ils sont surtout carnivores.
J’ignore quelle est leur taille.
Je pense qu’ils sont petits.
Je suis sûr qu’ils vivent dans la mare.
Je me demande s’ils attaquent les grenouilles.
Je parie qu’ils s’attaquent aux petits insectes.
Je refuse de croire que ces bestioles sont pacifiques.
Je vois des créatures carnassières.

Noé

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Je vois un petit chemin herbeux où se perchent lilas, iris, ancolies, déclinant leurs mauves et violets.
Je sais qu’ils aiment la pluie mais pas trop, comme moi.
Je remarque qu’à l’abri du vent, il fait presque chaud.
Je souligne à ce propos qu’on m’accuse d’optimisme exagéré, mais c’est faux.
J’ignore le temps qu’il faudra pour que ce tas de branchages se décompose.
Je pense qu’il faudra faire beaucoup pipi dessus.
Je suis sûre qu’on finira bien par avoir un petit rayon de soleil, ou deux.
Je me demande comment fait Christiane pour connaître le nom des plantes, même en latin !
Je parie que la réserve d’eau de pluie est pleine… ah non, seulement au tiers.
Je refuse l’appellation « charme commun », le charme n’est jamais commun.
Je vois un petit chemin herbeux qui ramène à notre table où se perchent des camaïeux de blancs.

Annie

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Je vois le panneau « Fermé Désolé » côté jardin.
Je sais que cet arbre à ma gauche est un noisetier, je découvre cela comme un charme.
Je remarque que l’herbe n’a pas été tondue uniformément comme pour sauver une petite prairie d’herbes folles, respiration folle dans l’air imbibé de son humidité
Je souligne que cette cabane entourée de ses arceaux végétaux, dont la porte est peinte à la main de fleurs colorées, est vraiment adorablement romantique ; en sort une petite fée en imperméable et en tâche de rousseur.
J’ignore le sens du vent car la coccinelle tourne et retourne, s’inversant inlassablement dans un courant d’air alternatif.
Je pense que je n’ai aucune idée du sens conceptuel de cette huche à morceau de bambou et que je ne regrette pas d’avoir goûté le persil.
Je suis sûre que le concert sera bon, j’entends la répétition à travers la tonnelle en ajoncs.
Je me demande si je ne vais pas faire pareil avec l’aneth…
Je parie que d’autres que moi l’ont fait mais ne s’en vantent pas ; elle est merveilleusement anisée.
Je refuse de quitter la compagnie de ce carré de salade, feuilles de chêne d’un pourpre profondément intense et d’un vert presque fluo dans son contraste.
Je vois que l’heure approche et se rapproche sans reproches, Christiane n’a pas les mains dans les poches, elles furètent amoureusement parmi les fleurs - je me décide enfin à la suivre pour quitter mon carré de feuilles de chêne et je vois le panneau « Désolé Fermé » côté jardin, et je sais que je suis loin d’avoir tout vu.

Elsa

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Je vois un jardin qui a l’air tout à fait banal.
Je sais qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, et…
Je remarque le nom de ce jardin : le Bizardin.
Je souligne que c’est un mot valise (bizarre & jardin), j’entre et je vois l’androsème officinal.
J’ignore ce qu’est l’androsème officinal.
Je pense que c’est l’arbuste auquel l’étiquette est attachée.
Je suis sûr, finalement, que ce jardin n’est pas banal.
Je me demande combien d’autres plantes étranges se cachent dans cet endroit.
Je parie qu’il y en a plein.
Je refuse de croire le contraire.
Je vois bien que c’est la vérité ;
je sais maintenant pourquoi ce jardin s’appelle comme ça.

Titouan

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Je vois le vent qui fait danser les plantes.
Je sais qu’il est invisible et transparent et pourtant je le vois.
Je remarque qu’il est chef d’orchestre donnant à chacun sa partition et son bruissement, alternativement il donne signal à un arbuste, à quelques herbes, à un pissenlit en graines.
J’ignore d’où lui vient cette poésie, ce sens de la mélodie.
Je soupçonne un esprit de malice, un enthousiasme ludique, un joyeux de la vie.
Je souligne le fait que moi aussi je suis invitée à jouer quelque chose à mon tour, par un souffle sur le dos de la main, un frôlement dans les cheveux , un frissonnement du col en fourrure que je porte autour du cou.
Je pense à ces tiges en métal rouillées qui gratouillent les nuages.
Je suis sûre que les nuages sont chatouilleux et qu’ils rient à gorge déployée.
Je me demande aussi s’ils partiront en joyeuse farandole pour laisser place à la belle éclaircie,
Au soleil chaleureux,
Au ciel bleu lumineux.
Je parie que le vent les aidera afin que chacun profite de la fête.
Je refuse que la fête soit réservée à quelques-uns, aux premiers arrivés ?
Je vois le vent qui fait danser les plantes, je vois les plantes qui font danser le vent.

Agnès

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Je ne vois pas le jaune d’or des pissenlits, merveilleux pissenlits maudits des jardiniers.
Je sais comment s’appellent le pissenlit, le chiendent, le perce-oreille et les guêpes, c’est peu mais c’est déjà ça.
Je remarque le vent qui gouverne un ballet que Béjart aurait pu reproduire : musique de souffle et mouvements enchaînés de branches.
Je souligne un éclat visuel et sonore : claquement intermittent du drapeau doré de Frédé Lavaud.
J’ignore à quel degré de beauté accèdera un matin ce jardin issu de rien, d’un terrain plus vague que vague.
Je pense que les registres de la patience et du jardinage méritent qu’on greffe des mots valises : patiensemencer, jardinhier / aujard’huin / jardemain, etc.
Je suis sûr qu’oiseau on préfère le Bizardin au zoo.
Je me demande d’où souffle le vent… ah oui, la girouette de Frédé pointe à l’ouest !
Je parie que parmi les instruments qu’on entend répéter au potager, il y a un hautbois ; timbre qu’il faut apprécier comme le chant d’un oiseau rare.
Je refuse jusqu’à l’automne, tenant dehors mon cahier, d’encore cailler !
Je vois enfin le jaune que je cherchais, non pas des pissenlits mais deux boutons d’or.

Robert

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Je vois la coccinelle qui tournicote dans le carré de fleurs.
Je sais que l’angélique atteindra deux mètres en été si la pluie lui prête vie.
Je remarque dans la haie les cascades blanches de l’aubépine.
Je souligne que les ajoncs défleuris devraient être taillés.
J’ignore quels sont les oiseaux qui grincent dans les thuyas, des étourneaux peut-être ?
Je pense que ce jardin est pour moi un paradis.
Je me demande si je verrai avant mon départ les corolles pourpres du rosa gallica, au parfum indicible.
Je suis sûre que les belles abeilles charpentières noires et bleues sont revenues dans l’hôtel à insectes.
Je parie qu’on mangera de la confiture de cornouilles en 2014.
Je vois la coccinelle-girouette qui tourne avec le vent dans le carré de fleurs.

Christiane

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