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J’aurais aimé me souvenir…

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J’aurais aimé me souvenir des forçats de l’ère industrielle,
De ces ouvriers qui vivaient là où ils travaillaient,
De ces longues coursives qui ont pour nom : courée.
 
J’aurais aimé me souvenir de ces sombres couloirs aux relents de radis noir,
Où le cri des enfants, les râles des vieux parents,
Laissaient deviner la vie dans ces maisons.
 
J’aurais aimé me souvenir du carrelage ocre et beige aperçu du haut de l’escalier pentu,
Du poêle Godin qu’il nous fallait recharger sans fin,
De l’odeur de chicorée qui remplissait la courée,
Quand au petit matin les portes s’ouvraient pour laisser se déverser les ombres ensommeillées, des ouvriers déprimés.
 
J’aurais aimé me souvenir, le soir à la veillée, des vieux qui racontaient en mâchant le « toubak »,
Assis sur un banc au milieu des pigeons,
Leurs combats, leurs rêves, leurs luttes acharnées.
 
J’aurais aimé me souvenir de cette vie d’avant,
Où, malgré le manque d’argent, la solidarité vivait dans le cœur de ces gens.
 
Mais je n’aurais pas aimé vivre dans ce temps passé,
Malgré ma tendresse pour tous ces délaissés.