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Annan et le destin de pierre

Presque sept accablantes après-midi de trot ont emporté notre caravane dans le val d’Annan, terre des Vents Incessants. Le foehn en sempiternelle turbulence exhale des effluves d’erg et de mer, et hisse une fine cendre ocre dont nos effets finissent fatalement par rester imprégnés. Son obsédant et cruel sifflement ne stoppe pas,
à en interdire les bavardages dans les rues. Le Livre des Roses des
Sables relate que si le vent cesse de respirer à l’avenir, les murs
de l’ensemble des villes d’Annan s’effondreront.
En Annan, à la seconde averse de printemps, le jeune dont on commémorera les onze ans dans les deux semestres tire à l’aveugle une pierre d’argent d’une besace de jute.
Sur cette pierre est gravé son devenir de personne mûre. Le
sort désigne le futur métier comme l’identité précise des amants,
le nombre d’enfants, et la date de mort également. Des destins
seront heureux et agréables, diverses vies d’une effarante fadeur,
quelques-unes enfin effervescentes et sanglantes. Si terrible
un tel hasard semble-t-il, le peuple complet d’Annan le respecte
cependant à la lettre, sans amertume ni révolte.
J’avertis le cicérone de mon étonnement. Il s’en divertit.

— Ici, endurer le pire des destins n’est rien, parce que
l’on est sûr de ne pas mériter son propre malheur.

(H. Le Tellier, recomposé par Gef selon le principe des vieilles
banderoles - Cités sans amnésie - 1000 & 1002, Berg Intersidéral)