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Longtemps je me suis douché de bonne heure

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Longtemps je me suis douché de bonne heure, afin de me purifier jusqu’au coucher. Moi, je me suis douché, je me suis mouché, je me suis touché, je me suis couché – j’emploie toujours la première personne, craignant chaque jour la fin du Moi. Fatigué, lassé, excédé, je me laisse enfoncer lentement dans un passé méandreux, labyrinthique, d’où émergent, fuligineux, des visages, des défunts, des âmes mortes, et ce spectacle m’entraîne dans son tourbillon d’images délirantes.

Mais ma rêverie languissante, un peu morose est interrompue par ce putain de lumbago qui me fait souffrir à cause de l’humidité ambiante : ce n’est pas ici que la chaleur du soleil semble fendre la terre. Heureusement que pour ce genre de tourment, j’ai de la bouteille, d’autant plus que je suis issu d’une famille d’alcooliques. Orphelin très jeune, j’ai été élevé par une grand-mère acariâtre, mais les dispositions morales et intellectuelles que je manifestais firent qu’on me donna bien vite à choisir entre la maison de correction et le séminaire. En fin de compte, comme on le verra, toute mon existence fut un véritable pénitencier, bâti au moins en partie de mes propres mains….

À partir de l’incipit d’un roman, commencer une fiction.